m-IFJUmiUQTC6iKx0iWyuvYg
Qu’est-ce qui parvient à toucher un jury de vétérans de la créativité? La réponse nous a nous-mêmes surpris : l’émotion humaine, une vision ambitieuse — et une utilisation stratégique, non superficielle, de l’intelligence artificielle.
Une règle non dite régnait dans la salle du jury : si un travail nous rendait jaloux, c’est qu’il était probablement excellent.
Quand nous avons débattu du Grand Prix, un membre du jury a parfaitement résumé la chose.
« Celui-là m’a foutrement rendu jaloux. » C’était clair. On savait.
Même si nous avons évalué les projets sur leur clarté et leur exécution, un autre fil conducteur tirait notre attention : l’IA.
Nous étions vite tombés d’accord : l’IA est un outil. Rien de plus, rien de moins.
Le véritable critère était de savoir si elle servait une idée forte. Le test décisif était simple : si l’on retirait l’IA du projet, restait-il quelque chose de signifiant ? Si la réponse était non, il ne figurait pas dans la shortlist.
L’IA pour l’IA ne nous touchait pas.
L’IA qui faisait avancer une idée, intensifiait l’émotion ou ajoutait une nouvelle dimension ? Là, elle captait toute notre attention.
Les travaux qui nous ont émus — à la fois sur le plan émotionnel et intellectuel — utilisaient la technologie au service de l’histoire. Pas l’inverse.
Quand la catégorie Creative Data a été lancée en 2015, certains ont trouvé l’idée contradictoire.
Une anecdote du président de Cannes m’a marquée : quelqu’un avait un jour barré le mot « data » sur l’écriteau de la salle du jury, et écrit à la place « impossible ».
Dix ans plus tard, les données sont omniprésentes — et essentielles.
Cette année, nous avons jugé des projets utilisant des données issues des forêts, des océans, des animaux, de meubles oubliés, voire d’urine sèche. Chaque jeu de données devenait un tremplin créatif.
Chaque projet prouvait que les données ne sont pas une contrainte. Ce sont un catalyseur.
Le travail de cette année le prouve : les données ne limitent plus — elles libèrent la créativité.
Entre de bonnes mains, les données ne se contentent pas d’expliquer le monde. Elles le réimaginent.
Et elles nous offrent de nouvelles manières de nous connecter, de résoudre, de créer.
Cannes 2025 m’a rappelé quelque chose d’essentiel :
Quand on combine données, émotion et pensée audacieuse, on ne fait pas que de grandes campagnes.
On crée du changement.
Ce qui autrefois semblait « impossible » est aujourd’hui devenu indispensable. Quant à moi, je suis reconnaissante d’avoir eu une place au premier rang pour en être témoin.
m-XH_sip9JSKCfkBF-CQ_s0w
Être membre d’un jury à Cannes est un honneur — mais c’est aussi une expérience profondément humaine. Ce qui m’a le plus marquée, ce n’est pas seulement la brillance des projets évalués, mais celle des personnes avec qui j’ai partagé cette salle.
Parmi les légendes
Rien ne vous prépare à l’incroyable niveau de talent réuni dans les salles de jury de Cannes. Notre jury pour la catégorie Creative Data comprenait des cadres dirigeants, des figures créatives majeures, des visionnaires des données et des leaders de marques — venus de tous les continents et avec des perspectives très diverses.
Le respect a été immédiat et réciproque. Nos débats étaient passionnés, parfois vifs, mais toujours guidés par le même objectif : défendre le plus haut niveau de créativité. Plus d’une fois, j’ai entendu quelqu’un dire : « Peux-tu expliquer ton point de vue ? Je pense que ça pourrait me faire changer d’avis. » Cette ouverture d’esprit était le moteur de notre processus.
Et oui — nous avons ri. Nous avons plaisanté. Nous avons tissé des liens. À la fin, nous n’étions plus seulement un jury. Nous étions une fraternité. Les liens noués pendant ces jours de délibération intense sont des relations que je sais durables.
Dans la salle du jury : là où le débat mène à la décision
Cannes n’est pas un lieu pour la passivité. Nous avons attribué des notes exigeantes. Nous avons envoyé des questions complémentaires en temps réel. Nous nous sommes posé des questions difficiles — à nous-mêmes comme au sujet des travaux présentés.
Notre présidente de jury, Tina Allan, nous a guidés avec une remarquable intuition. Elle nous laissait de l’espace quand il le fallait. Et elle savait quand il était temps de nous faire avancer.
Un moment que je n’oublierai jamais : une campagne intitulée The ACKO Tailor Test avait été écartée au début. Mais quelque chose me trottait dans la tête. Je l’ai ramenée en discussion, j’ai défendu sa créativité, sa stratégie, son impact. La salle a reconsidéré. Elle a été sélectionnée. Elle a remporté un Gold.
Plus tard, un client de l’équipe ACKO m’a retrouvée au Palais pour me remercier — non pas pour le prix, mais pour avoir cru en leur travail. Ce moment m’a rappelé une chose essentielle : les grandes idées ont besoin de défenseurs.
Ces débats ne sont pas qu’une affaire de jugement. Lorsqu’ils sont menés avec justesse, ce sont des actes de plaidoyer créatif. Ils permettent de faire émerger les projets qui méritent d’être vus.
À venir dans la dernière partie : le rôle de l’IA, la jalousie créative, et ce que dix années de Creative Data nous apprennent sur le futur du marketing.